Donner un Sens aux Rêves (2/5/1)
Cette entrée de journal traite de la difficulté de ramasser de petits fragments de vous-même à travers le multivers et le mélange des monde des rêve avec la réalité éveillée. C’est aussi la deuxième partie du chapitre précédente.

Surplombant la Place Victor Hugo repose une fontaine rouillée dont le robinet est fermé. L’installation est une collection de différentes pièces; une grande chaîne en or, une chaise en argent, une cascade en bronze plongeant dans un chaudron et une pile de trônes verts et orange d’où l’eau coule habituellement.
Des successions de camions de livraison sillonnent les grands axes de ce petit bourg du Nord de la France, rangées de boutiques en faillite dont le seul usage est désormais pour le piéton occasionnel d’apercevoir leur reflet à travers les brèches des vitrines barricadées.
La Boulangerie principale est toujours ouverte; vous ne pouvez pas retirer l’importance du bon pain de la culture française, et aucun service de livraison ne sera aussi bon que de récupérer une baguette chaude au coin de la rue et d’en manger un tiers sur le chemin du retour comme un sandwich qui n’a pas encore été faite.
Un groupe d’enfants traîne devant la boulangerie en faisant semblant de fumer des cigarettes au chocolat.
“Je me souviens, quand la France a remporté la Coupe du monde en 98”, raconte l’un des enfants, “les gens faisaient la fête dans les rues jusqu’au lever du soleil, et le boulanger est sorti de son magasin à 4 heures du matin, quand ses marchandises étaient fraîchement sortis du four et offraient à tout le monde des pains au chocolat gratuits. Ça, c’était des bons jours. »
“OK, et de quoi d’autre te souviens-tu?” demande l’autre gamin.
“Il y avait un supermarché, des tavernes, toutes les choses habituelles. Il y avait même un lac à proximité… C’était un endroit assez spécial, les carnavals venaient, j’ai terminé deuxième dans une compétition de rollerblade à laquelle je n’avais techniquement pas le droit de participer car j’étais trop jeune, donc je n’ai pas gagné d’argent. Mon prix de consolation était des pâtisseries… Cette ville était assez grande pour avoir son propre cinéma, donc pendant l’été, j’allais regarder des films, mais il y en avait beaucoup à la maison aussi, avec les murs de cassettes VHS que ma Grand-mère collectionner dans le couloir à l’étage; Louis De Funès, Brigitte Bardot, Les Inconnus, et quelques films étrangers traduits dans la langue familiale.
Ouais, cette petite ville… avait un cinéma… un hôpital aussi… juste pas de routes principales vers la grande ville… un cerisier dans le jardin… Nous avions aussi –
Le son d’un clairon interrompt.
Le mouvement rapide sous ses paupières touche à sa fin, et il les ouvre pour se retrouver dans l’une des pièces vacantes à l’étage, dans la maison de son enfance.
Nous sommes aujourd’hui le 16 mai 2019 et il est de retour dans sa ville natale pour rendre visite à sa Mamie & Mémé, sa Grand-mère et son arrière Grand-mère; qu’il n’a jamais appelé par leurs prénoms parce que c’est bizarre et qu’il ne va pas commencer maintenant à l’âge de 32 ans.
Le son du clairon rouillé retentit à nouveau; une tradition imposée à notre famille par notre matriarche farceuse qui en avait assez de monter les escaliers raides pour réveiller les Trois Sœurs et moi. C’était à l’époque où nous vivions toutes sous le même toit.
Ceci est l’exposition.
Ou des excuses.
C’est un mauvais raisonnement qui mène au malheur du héros.
C’est un étrange piège de se faire prendre dans l’histoire que vous écrivez sur vous-même.
La tâche est de se dissocier du personnage de l’histoire même s’il est entièrement basé sur sa propre mémoire, et le défi est de ne pas laisser l’histoire que j’écris saigner dans le monde réel, car il est clair maintenant que, pour moi, l’Écrivain au moins, que ce personnage, une version de moi-même, veut du sang, et l’Acteur en moi apprécie vraiment cette pièce de théâtre.
Cela vous paraît-il étrange que je vous manipule, vous le Lecteur, en mettant tout cela sur la table ?
Le Verfremdungseffekt; une technique que j’ai apprise en étudiant les Arts du Théâtre à l’université, afin d’éloigner le public du récit, en lui donnant une conscience de ce qu’il lit afin de faire des observations plus conscientes et critiques.
Ceci est l’exposition.
L’insertion d’informations contextuelles sur un espace, un temps, un personnage, des événements de l’intrigue, nécessaires à l’histoire. C’est ce que vous devez apprendre sur le protagoniste, le monde qu’il habite et ce qui manque à sa vie, pour mieux comprendre ce qui le motive.
C’est une équation.
Certaines personnes connaissent le résultat qu’elles veulent, mais ne savent pas quelle question poser.
D’autres connaissent l’équation, mais n’arrivent pas à trouver la réponse.
Que veut X ? Leurs désirs sont-ils suffisamment primaires pour être fondamentalement liés au Lecteur ou au Spectateur ?
“O, voix tourmentante, donne-moi ma liberté, car je ne sais pas comment résoudre mes propres problèmes et encore moins ceux des autres.”
“OK, installez-vous, comment ça va tout le monde?” demande l’infirmière en regardant autour d’elle pour donner la parole à tous les patients.
“Quand est-ce que je peux avoir mes cigarettes?” demande la vieille.
“Après cette séance, Valeria.”
“C’est la même chose, tout le temps, répétition, bouh hou, j’ai un problème, aidez-moi, aidez-les -“
“Je comprends très bien. Mais nous ne sommes pas tous bénis par vos connaissances et certains d’entre nous ont besoin d’un peu d’aide de temps en temps. Est-ce que quelqu’un aimerait partager?”
“Pourquoi faites-vous le travail que vous faites en tant qu’infirmière ?” demande le gros gars au bras cassé, les yeux écarquillés comme s’il portait plus de peau sur la sienne.
“Appelez-moi Jacqueline.”
“Ouais, Jacqueline, OK,” continue-t-il avec son fort accent de Brooklyn, “je sais que tu m’aides et tout, et je t’en suis reconnaissant, j’veux pas te manquer de respect, mais elle a raison, ça ne s’arrête jamais, la police a des criminels, les médecins ont des malades, à quoi ça sert si quelqu’un prend juste ma place quand je pars ?”
“Eh bien,” elle s’arrête, se donnant le temps d’articuler au mieux une réponse pour toutes les oreilles sensibles de la pièce, “nous avons tous besoin de quelque chose qui nous apporte de la joie et un sens du but, et je trouve que guider les gens à travers leurs difficultés m’apporte un sentiment d’appartenance à quelque chose de plus grand que moi. Qu’est-ce que tu aimes faire ?”
L’homme au bras cassé s’arrête un instant pour y réfléchir, certains cherchent autour d’eux pour voir si quelque’un d’autre va intervenir, quelqu’un dorment dans leurs chaises, et celui qui est silencieux dans le coin dessine et ne fait pas attention.
“L’argent et le sexe, toute la journée, et tous les accompagnements qui vont avec”, dit le jock aux pommettes ciselées et au portrait de confiance.
“Tu dois avoir du pouvoir si tu veux de la chatte, et tu n’es que de la merde”, dit Ophelia, “Tu es ici comme nous tous, fauché, et personne veut te baiser.”
“Ouais, on verra ça”, répond-il en lui envoyant un baiser.
“Ok, du calme s’il vous plait”.
“T’insinue quoi là?” elle rétorque.
“Ça veut dire ce que ça veut dire. On verra… Je ne serai pas coincé ici pour toujours.”
“Erwin,” commence l’infirmière, “Bienvenue, vous êtes notre nouvel invité, qu’avez-vous en tête?”
Il la regarde dans les yeux, puis les autres patients, ces étrangers qui sont eux aussi loin de chez eux.
“C’est une longue histoire”, répond-il, “ou elle est juste longue dans ma tête.”
“Nous avons le temps.”
L’amnésie est un cliché narratif dans la littérature qui oblige le protagoniste à redécouvrir la trame de fond, mais vu que cette affliction m’est réellement arrivée, répétition, répétition, répétition, répétition, j’ai non seulement été obligé de me reconstruire, mais j’ai eu l’opportunité d’être plus qu’un clown. Avoir le sens de l’humour a cependant ses avantages, car la mémoire est devenue un gremlin insaisissable jouant avec mes neurones.
J’écris mon récit des choses pour que je puisse peut-être aider d’autres personnes qui ont lutté contre la maladie d’Alzheimer, la démence et d’autres traumatismes liés à la mémoire, mais si je suis honnête, je suis juste terrifié à l’idée d’oublier à nouveau qui je suis. Et paradoxalement, plus je commence à me souvenir, alors que je rampe hors de l’effondrement de ma réalité, plus je perds le sens de ce qu’est la définition de “moi”, le soi, et mes jours passés s’effacent comme s’ils n’étaient pas réels.
Extérieur.
La scène est à imaginer en noir et blanc.
Deux femmes, sans sexe particulier, sans orientation sexuelle particulière, sans discernement, il est même difficile de dire quel est leur âge, discutent dans un bar à côté de la place approuvée par le gouvernement. Tout ce que nous savons d’elles, c’est qu’elles semblent être des femmes, d’une certaine classe, quoi que cela signifie, assises à une table avec une bouteille de tequila, quelques verres, du sel, du citron vert et une copie du livre d’Eric Lampaert sur leur table.
Ils ont un nom que je ne connais pas, mais pour les besoins de cet exercice, je vais les nommer.
“Alors, qu’en penses-tu ?” demande Géorgie.
“L’homme lit comme un amateur”, répond Kate.
“Ah, t’as déjà échoué !” s’exclame G avec un énorme sourire sur son visage.
“Ce test béchamel est chiant, bordel!”, rigole-t-elle.
“Béchdel. C’est ce qu’on appelle le test de Béchdel.”
“Ouais ouais.” Kate plonge sa langue directement dans le ramequin de sel et avale son El Patron, “pourquoi on peut pas parler de lui?” D’it elle en croquant dans un quartier de citron vert.
“Parce que c’est interdit !”
“Alors, c’est quoi la règle ? Nous parlons du livre, écrit par un homme, d’un homme qui apprend essentiellement ce que sa signifie d’être un homme, mais nous n’avons pas le droit de dire que c’est un homme ou quoi que ce soit à voir avec le pénis ?”
“Ouais et tu bois si tu perds.”
“Oh putain. OK… Alors juste le thème du livre et tout ça ?
“Ouais.”
“OK…” Elle pense, la pause interrompue par un chat qui siffle sur le balcon du restaurant au-dessus de sa tête. “Georgia, pourquoi ne me dis-tu pas a ce que tu penses de ce livre ?” elle rit de sa propre solution intelligente.
“Cela semble staccato, ou pizzicato, quel que soit le mot correct.”
“Je suis d’accord, absolument et totalement pizzicato”, répète-t-elle de façon robotique, hochant la tête vers son amie pour souligner qu’elle n’a aucune idée de ce que “totalement pizzicato” signifie.
Ils rient tous les deux.
“Donc”, poursuit Georgia, “qu’en penses-tu? Est-on lié par la Loi de Murphy selon la théorie de l’univers-bloc?”
“Sii nous vivons éternellement, sommes-nous censés expérimenter toutes les perspectives pour vraiment comprendre l’existence?”
“Oui.”
“C’est faisable, théoriquement, qu’en un temps infini, chaque expérience de conscience visite et revisite le théâtre de l’être, mais si tu me demande, je crois qu’il est possible de le faire en observant simplement le Monde extérieur.”
“Comme dans les films et les chansons et ce genre de choses?”
“Ouais, et en regarder les gens.”
“Je suppose que oui, mais je comprends ce qu’i -,” trébuche-t-elle, “Oh la, j’ai failli le dire alors. Je comprends ce que l’Écrivain sans sexe spécifique est en train de dirent. Il y a une différence entre observer, lire ou imaginer à quoi ressemble la vie dans une paire de chaussures, et l’acte réel de vivre dans ces chaussures.”
“Ouais, il y a un moment, je ne me souviens plus quel chapitre, quand il a dit que… »
Elle voit l’expression suffisante de Georgia.
“Oh merde, je l’ai encore fait !”
“Je bois avec toi, loser.” Géorgie rit.
Ils attrapent un quartier de citron vert de la soucoupe, se lèchent le poing, versent du sel sur la zone humide et trinquent avec leurs verres à liqueur remplis, poursuivant leur tête-à-tête.
Pendant ce temps, une bagarre éclate au milieu de la place, entre un homme et une femme sans couleur de peau particulière.
Il la frappe au ventre.
Elle rétorque avec une coupe supérieure.
Ce n’est pas le genre de coups où quelqu’un a un net avantage, ou un triste grondement de rue ressemblant à une étreinte ivre avec un parent sans amour, non, c’est une vraie bagarre, avec des coups audibles et des effusions de sang.
En regardant le match, deux hommes, nous supposons que ce sont des hommes, ces jours, il est difficile de dire ce que signifie vraiment l’emballage extérieur, se tiennent le long du bord de la place, du côté opposé aux deux femmes et à leur club de lecture ivre.
Ils observent la querelle sur le devant de la scène à travers leur fumée de marijuana, et bien qu’ils soient puissants, ces hommes sont, oserais-je dire, des professionnels. Dans leur sac à dos se trouvent des collations, de l’eau pour leur bouche quand ça sèche, des gouttes pour les yeux au cas où ils devraient retirer leurs lunettes de soleil et un cycle discipliné d’inspiration et d’expiration.
“Je suis difforme”, dit le Premier, “je peux sentir mon corps changer à l’intérieur, mais je lutte avec la peau extérieure parce que je ne sais pas ce que je ne sais pas, et ce que je sais maintenant m’a mélangé.”
« Tu n’a pas confiance à ce que tu vois? Répond le Second.
“Je ne fais même pas confiance à ce que j’entends, frère.”
“Ce relâchement des antécédents à vraiment osciller tes haut et bas.”
“En haut, en bas, d’un côté à l’autre, à l’intérieur et à l’extérieur, c’est pour le moins épuisant. Que suis-je censé comprendre de mes yeux en tant que caméras et projecteurs ? Tiens, je vous ai donné la technologie, mais il n’y a pas de manuel, profitez de l’évolution, bouffon.”
“Ouais, c’est amusant non? Mieux ne pas s’inquiéter de l’inévitable. Tiens, fume encore.”
“Avec plaisir”, le Premier prend le joint, hésitant une seconde.
“Tu ne me fais pas confiance, mon frère ?”
“Ce serait si terrible si je te disais que j’ai du mal à le faire?” remarque le Premier. “Je commence à me connaître et à savoir ce dont je suis capable. Donc, je me demande si je te connais et de quoi tu es capable. Et avec cela – “
“Que doit-on faire avec la vue devant nous ?” interrompt le Second en regardant le combat au milieu de la Place.
Le Premier regarde au centre de la scène, absorbant tous les détails, tous les côtés de la Place, les yeux vacillant d’un côté à l’autre, retournant à l’épicentre dont parle le Second.
“Un homme et une femme se battent, du sang coule, il est probable qu’on va perdre une dent, mais il y a clairement une chorégraphie, un équilibre entre les deux, on intervient ?”
“Tout ce que je savais me dit oui. Quelle est leur raison de se battre ?”
“Est-ce que cela nous regarde ?” Il demande, en sortant du pop-corn de son sac banane, “peut-être que c’est juste la chimie personnifiée. Voici à quoi ressemble la réaction lorsque les deux sont réunis et nous pouvons regarder ceci comme une émission de télé.”
“Je vais observer pour l’instant, mais j’espère que vous comprenez que je suis troublé par votre sentiment insouciant que tout est préétabli comme des lignes de dominos.”
Entre-temps, pendant la mastication du pop-corn, la consommation d’alcool, le sifflement du chat, le hululement de la chouette, le roucoulement du pigeon, la bagarreuse se balance et se faufile autour des tentatives de son adversaire, à la recherche d’une opportunité d’atteindre son menton.
Du troisième côté de la place, un homme crie contre un arbre, distrayant la classe en plein air du professeur.
“Ignorez cet homme, étudiants, il ne sait pas ce qu’il fait. Donc, comme je le disais, un couple est amoureux, en train de se disputer. L’un d’eux dit -” Le professeur pointe la première phrase écrite sur le tableau noir, ‘Dis-moi quelque chose que seuls toi et moi saurions’.
“Et l’autre répond par –“
Il fait glisser le pointeur sur la deuxième phrase; ‘Tu vois, c’est ça qui me trouble.’
Il regarde ses élèves pour voir comment ils se comportent après avoir entendu la mise en place de cette leçon.
“Comment chacun de vous a-t-il lu ce qui précède ? Quel genre de narration existe dans votre tête ? Comment vous a-t-il été entendu ?” s’arrêtant pour les laisser réfléchir aux questions. “Est-ce que quelqu’un l’a exprimé d’une certaine manière, mais leur visage suggérait autre chose ? Dans quelle direction pointaient leurs pieds ? Les mains en l’air, dites-moi lequel d’entre vous a été amoureux ?”
Les mains montent à des vitesses variées, certaines restent là où elles sont.
“Les événements ont des façons de déformer notre façon de voir les choses”, poursuit le professeur, “j’étais amoureux une fois… ou deux, trois fois peut-être, il y a aussi eu ce week-end à Vegas qui ressemblait à de l’amour, mais elle m’a ensuite demandé de la payer frais et a ruiné l’illusion. L’amour, c’est compliqué. Et non, ce n’est pas ma mise à jour de statut sur Le Livre De Visage.”
Les élèves rient, sauf le petit nouveau.
“Qu’est-ce qu’il vient de dire ?” demanda l’étudiant à côté de lui, la fille avec le plâtre autour du cou.
“C’est sa traduction pour Facebook en français”, répond-elle, sifflant sous la douleur de se retourner pour lui faire face, “mais ça ne se traduit pas correctement. Par example, Les Dents de la Mer, en Anglais, le titre, c’est Jaws, qui se traduit en Mâchoire! Ce qui est pas aussi effrayant comme titre.”
“Est-ce que je te distrait là-bas?” demande le professeur.
“Non, professeur, je disais juste au nouveau que – “
“Eh bien, pas dans ma -” il s’arrête aux moments les plus étranges, “- classe. Ce que j’enseigne est probablement plus efficace que tout ce que vous, ou l’un d’entre vous, avez à dire.”
Il observe les étudiants, les sourcils froncés, prenant des notes dans son cahier.
“Et s’il vous plaît, continuez à ignorer l’homme qui crie, les deux combattants au milieu de la place, et ces pigeons incessants qui n’ont pas de code moral et qui violent à leur guise. C’est la saison, je suppose, mais je ne suis pas impressionné.”
Il prend une gorgée d’eau et retourne au tableau.
“La mémoire est un petit porc délicat”, poursuit le professeur, “je ne me souviens même pas de tout sur le sujet. Rapport de police de témoins oculaires qui brassent l’histoire dans leur esprit jusqu’à ce qu’on leur demande de partager, racontant leur version aux autorités qui posent des questions spécifiques en fonction de leur agenda, résultant en une concoction, mélangeant et mélangeant toutes les choses d’une façon qui suggère… qui suggère… Ah merde, j’ai oublié.”
La classe rigole.
« … les policiers doivent filtrer les informations à travers leurs connaissances, vous comprenez ma dérive, les lois deviennent très difficiles quand on fait naissance a plusieurs d’univers. L’acte de se souvenir est un défi, et maintenant laissez-moi vous demander, les résultats, sont-ils différents si cette phrase a été dite en premier”, pointant vers la deuxième phrase sur le tableau Tu vois, c’est ça qui me trouble.’La majorité de la classe remarque que le professeur s’incline, que l’homme crie, que les pigeons s’accouplent et que le hibou regarde le chat, que les frères fument, que les femmes rient et que le combat se déroule au milieu.
Cependant, sur les rives du quatrième côté de la place, une créature androgyne fixe l’orbe rougeoyant dans le ciel, hypnotisée par l’énergie qu’elle dégage. Ses nageoires pectorales en forme d’ailes pulsant de ses mollets.
“Père, regarde.”
Mais il ne se retourne pas.
“Père… Papa !”, lance-t-elle en tirant sur son talon.
“Quoi, ma cherie?”
“Regarde ce que j’ai dessiné.”
Dans le sable, trois lignes partant d’un même point d’origine, empruntant des itinéraires différents dans la même direction, coulant comme des vagues avec un éventuel chevauchement.
“J’aime ça.”
“Merci.”
“Pourquoi les lignes deviennent-elles si différentes après qu’elles se chevauchent ?” Indiquant les carrefours.
“Pa… Parce…. Parce que, papa.”
“Je suis juste curieux, cela vient de ton esprit, dites-moi ton processus de pensée.”
“Parce que chaque ligne parcourt un espace différent, malgré une direction similaire, et que la perturbation créée lors de la convergence altère la connaissance de la façon d’avancer -“
“Connaissances? Ces lignes sont-elles conscientes?”
“Pas nécessairement, la turbulence n’a pas besoin de savoir pourquoi elle est ce qu’elle est. Ces lignes, variant et évoluant, s’épanouissant, se divisant, créant finalement leurs propres points d’origine.
“Mais ces branches ne sont pas d’origines différentes puisque nous pouvons remonter jusqu’au premier point.”
“Correct, ces branches là le sont”, pointant vers les veines saillantes qui sortent des lignes, “mais j’ai manqué de sable pour montrer mes calculs ultérieurs, qui, s’ils sont corrects, créeraient des parallèles.”
“Mais ces parallèles ne sont-ils pas créés à cause de la genèse originale?”
“C’est vrai”, répond-elle, dégonflée de ne pas y avoir pensé. Elle observe un instant son travail.
Son visage se plissa avant de répondre.
“Je suppose que ce que je voulais dire, c’est que la création parallèle n’aurait aucune conscience de la branche précédente, car bien que son existence apparaisse le long d’une ligne attachée au point d’origine, elle n’est techniquement pas attachée, et serait donc, de son point de vue, un point original.
“Ce n’est pas parce que ledit point pense qu’il s’agit d’un original qu’il en est ainsi.”
“Mais alors je rétorquerais que ce point d’origine”, encerclant le début de son dessin, “est un point d’origine créé à partir d’un parallèle, et nous avons été trompé en pensant que c’était une origine.”
Elle sourit à son expression abasourdie, les faisant rire tous les deux. “Habibi,” il penche la tête en arrière pour parler, “viens voir ce que notre fille a dessiné.”
“Maman n’est pas là, papa. Rappelles toi?”
“Ah,” il hoche la tête, et hoche la tête plus, et continue d’acquiescer comme s’il tremblait, “oui c’est vrai… Désolé chérie.”
Il lance le plus bref des sourires dans sa direction, revient lentement vers l’orbe dans le ciel, et il reste transpercé par la boule de lumière en lui disant “tu sais chérie, j’ai le sentiment le plus étrange que quelqu’un vole mes souvenirs.”
Elle retourne à son dessin, alors que la bagarre continue, et que les élèves étudient, que les animaux se comportent bien, que les femmes boivent davantage et que les deux fumeurs se toussent frénétiquement.
“Regarde cette créature là-bas, Frère,” dit le Second, “qu’est-ce qu’il fait en regardant directement le soleil comme un maniaque?”
“Peut-être dessine-t-il des motifs dans l’obscurité de ses pupille en utilisant la lumière des étoiles comme encre”, répond le Premier. “Ça ajoute de la couleur.”
“Ça va le rendre aveugle, c’est ce que ça va faire.”
“Sommes-nous pas tous un peu aveugles ?”
“Ne commence pas tes errances philosophiques avec moi, je me lasse de tes disséminations. En tout cas, mon œil est fermement fixé sur ces deux belles femmes là-bas.”
Ils admirent les deux de l’autre côté de la place, l’une riant si fort qu’elle crache de la tequila sur son amie.
“… OK, OK, OK, donc si je ne sais pas ce que je suis”, répond Georgia, “c’est donc possible que je ne sache pas comment je suis supposé vivre.”
“Oui oui, tout à fait, et aussi, mec, pénis, homme, lui !” crie Kate, “Mords dans mes agrumes, salope ! Garçon, s’il vous plaît”, faisant signe au serveur, “et désolé d’avoir utilisé garçon, une autre bouteille de tequila s’il vous plaît.”
“Woohoo, club de livre baby!”
Les femmes se donnent un high five et le chat saute du balcon sur le garçon qui approche.
Au-delà de la portée de la Place, les cendres du volcan s’élancent dans le ciel.
“C’est le temps”, dit le professeur, “souvenez-vous…”
Sa sagesse est mise en sourdine, car la caméra est en gros plan sur les étudiants qui emballent leurs affaires.
“Quelle forme vas-tu faire ?” demande l’étudiante au plâtre autour du cou.
“De quoi?” demande le petit nouveau.
“O mon Dieu, tu es vraiment nouveau ici.”
Un troisième étudiant dans la rangée devant se retourne et partage. “Je vais être la forme” Mère protégeant son petit du feu.”
”C’est tellement Déesse de ta part.”
“Merci. Et toi?”
“Oh, tu me connais, la forme « Protége le dragon.”
“C’est quoi celui-là ?” demande un troisième, avec le nouveau écoutant attentivement.
“Les bras tendus devant toi”, en les montrant avec les paumes tournées vers l’extérieur, “comme si tu as le pouvoir de tu protéger du magma.”
“Oh j’aime bien c’elle là”.
“Et qu’est-ce que je suis censé faire moi ?” Demande le nouveau. “Donne-toi la forme de renaissance, tu le mérite.”
“Position classique du bébé cerf”, termine la troisième.
Le volcan entre en éruption alors que le grondement d’un clairon réveille le protagoniste dans la maison de sa grand-mère.

“Pourquoi les matins sont-ils aussi durs ?”
Le matelas est recouvert de bouteilles vides de bières Belges et de copeaux de crayon.
“J’ai été une canaille, hier soir?”
Le clairon sonne à nouveau.
“J’arrive!” Il crie d’une manière appréciative, “une minute!” pour qu’il puisse écrire dans son cahier.
Ont-ils existé ?
J’ai fait un rêve la nuit dernière, ou un cauchemar, à propos d’un volcan en éruption, et il y avait des gens que j’ai reconnus, mais je ne me souviens plus qui. Ces observations que j’ai dans mon sommeil sont difficiles à comprendre, et avec mon monde fragmenté, je me demande si les simulations de rêves ont une importance pour ma réalité éveillée ou s’il s’agit d’une sorte de film dont je peux profiter sans aucune signification ? Une façon pour mon corps de se reposer pendant que le cerveau réorganise la journée, détaillant ce dont il a besoin et ce dont il n’a pas besoin pour le lendemain.
Aussi, quelque chose à propos de Toxoplasma Gondii ? Je ne sais pas, quelque chose à propos des chats.
Il se lève du lit et met les mêmes vêtements qu’hier, n’ayant apporté aucune pièce de rechange, pas même des chaussettes ou des sous-vêtements propres, et descend rejoindre sa Mamie pour le petit déjeuner.
Comment avez-vous lu tout cela ? Quel rythme ? De quelle humeur êtes-vous, cher Lecteur ?
“De quoi d’autre te souviens-tu ?”
Lieu : Londres, Royaume-Uni.
Date inconnue.
Sa tête se lève alors que l’escalator de la station le ramène à la surface. Diverses affiches générées par ordinateur tapissent les murs, changeant avec la biométrie du client voyageur, donc pas de temps perdu à dire au client ce qu’il veut. Chaque écran avec le slogan du métro ; “Chaque voyage compte”.
Il se faufile parmi les piétons, autrefois d’une lenteur si alarmante, et tape sur sa carte Oyster pour sortir du métro, s’arrêtant brièvement pour lire un poème affiché sur l’un des murs.
What language can tell us
What no other tells?
In the ultimate word,
Only music excels.
Par Agnes Lee.
“J’espère que TFL a crédité le bon auteur”, pense-t-il en prenant une photo avec son téléphone, “afin que je puisse transmettre le compliment.”
Beauté affichée par le système de transport annulée par le rappel du tannoy que “la mendicité est illégale et ne doit pas être encouragée”.
Un coupure à son hypothalamus.
Il se déplace à travers l’averse avec rapidité et enjambées de ses pattes longues, pour la plupart cachées sous le long manteau à carreaux qu’il a emprunté. Une vie nomade a ses défauts.
Il se précipite au pub Dolphin dans l’Est de Londres sous la pluie cyberpunk emblématique de la ville, passant devant les câbles qui jaillissent du sol et s’agrippent le long des murs, canalisant l’énergie à travers le réseau vasculaire de la ville, suscitant des questions sur l’endroit où la ligne est tracée en matière de conscience.
Les fenêtres sont embuées par les rassemblements en sueur des personnes à l’intérieur qui savourent une pinte après le travail. Il entre à grands pas et est immédiatement giflé par le changement d’atmosphère.
C’est comme un sauna composé des respirations des clients, mais il ne demanderait rien de mieux à une taverne Britannique. Étrange ce que certaines personnes manquent.
La musique du pub est les hits pop typiques de la semaine, qui peuvent être modifiés avec le juke-box dans le coin. Le sol s’accroche à ses chaussures, sirupeux d’avoir glissé dans la systole et la diastole des parieurs, qui vous bousculent côte à côte, vous faisant glisser et renverser une partie de votre alcool ; une offrande à la surface qui nous maintient ancrés, dans l’honneur, non, dans le respect de la Gravité.
Cet espace bouillonne de vie qui ferait mijoter les futuvitaephobe sous leur peau; Il y a des gens avec des coupes de cheveux, des couleurs, des tatouages et des piercings différents, des chandails et des barbes, des cannes et des pipes, des hommes et des femmes qui embrassent des femmes et des hommes, avec des hommes et des femmes. Un de ces endroits où tout le monde est bienvenu, même ceux qui n’accueillent pas le monde.
Il regarde autour de cette peinture vivante pour son ami, assez grand pour voir au-dessus de la foule, lui permettant de voyager confortablement comme un Homme DeLorean, pour trouver son ami à l’autre bout du point d’eau.
Il se dirige vers elle en traînant les pieds, admirant la décoration en mosaïque de carreaux de céramique le long du mur, la regardant afin de trouver une raisin d’être là. La mosaïque représente un mec musclé, jouant de la harpe et ne portant rien d’autre qu’une toge rouge, entouré de sirènes, au milieu d’une tempête en mer.
“Mmmmm, une métaphore peut-être, ô mon Dieu, qu’est-ce que cela pourrait signifier?”
“Ça va ma poule”, elle le salue avec son léger accent Irlandais et un bisou sur la joue.
“Oh la la, si ce n’est pas Désirée, et dans la plus belle tenue d’ascenseur que j’aie jamais vue.”
“Tais-toi imbécile, c’est du vintage. Tu aimes?”
“Mon pote, tu as la capacité de rendre tous les vêtements beaux, mais oui, celui-ci en particulier a un joli motif floral et… je ne sais pas oui, bravo, tu es superbe. Dans quel sens m’ammenes-tu, vers le haut ou vers le bas ?”
“Quoi?”
“En référence à ta tenue d’ascenseur, peu importe. C’est un sacré plaisir de te voir.”
“Et toi aussi. Tu veux ?” sortant un joint de sa poche.
“Ici? De telles actions malveillantes et coquine.”
“Je ne vois pas de flics. De plus, c’est l’un des avantages de posséder le pub.”
“Oui, je suppose que cela a des avantages. Tu ne croiriez pas le plaisir que c’est de voir un ami après cette année”, soupire-t-il. “Peut-être que je le sais, essayez-moi”.
“Et toi, ça va ?” Il dévie avec un sourire forcé.
“Pas grand-chose à te raconter”, avoue-t-elle, “je t’ai pris un cidre et…” ajoute-t-elle en se retournant pour aller chercher deux verres de gin.
“Mon Dieu, on fait ça?”
“Salut”, toast rapide et dans l’oesophage.
“Tu veux briser ?” demande-t-elle en désignant le triangle avec son bâton de cannabis.
“D’accord”, saisissant l’une des queues et cherchant le cube de calcaire.
“Alors,” hésite-t-elle, “dois-je faire attention avec toi maintenant ?” “Quoi?” demande-t-il en se glissant sous la table à la recherche de craie.
“Eh bien, t’es un malade mentale maintenant. Un fou. Tu pourriez me poignarder avec un morceau de verre brisé ou quelque chose comme ça”, dit-elle avec un sourire coquet.
“O” répond-il, sortant la tête de sous la table et offrant une légère pause pour accentuer la tension, fixant ses yeux, “je ne dirais pas ça si j’étais toi.” Sa voix presque un grognement, “il désapprouve du mot ‘fou’”, un large sourire sur son visage; le genre qui révèle son sourire équestre.
“Et de toute façon, je ne te poignarderais pas. C’est plus probable que je te protégerais”. Il laisse échapper un bruit de satisfaction en trouvant le cube et se relève.
“Que-ce qui est arrivé? Pourquoi t’ont-ils enfermé ?
“Je ne suis pas allé en prison…”
Il s’aligne derrière la boule blanche et craie la pointe de la queue, soufflant le résidu comme un cow-boy avec un pistolet fumant.
“Crois-tu au libre arbitre ?” lui demande-t-il afin de calibrer une réponse appropriée à sa question.
“Je ne sais pas, ouais, je suppose.” Elle lui tend le joint.
“OK” répond-il, remplissant ses poumons, “ce n’est peut-être même pas une coïncidence si nous jouons à ce jeu. Alors, disons que je frappe les balles de billiard”, ce qu’il fait, suivi d’un commentaire sur le tir cassé et son mouvement, “c’est le chaos, un chaos imprévisible. Mais – “
Il attrape le rack, récupère les balles pour les replacer dans le triangle, en lance une dans sa direction qu’elle attrape habilement.
“Si quelqu’un connaissait le poids des boules de billard, la vitesse à laquelle la boule blanche se déplace, sa rotation et son angle d’impact, ainsi que les propriétés matérielles de la table -“, dit-il en caressant la boule noir, “- alors quelqu’un pourrait calculer la position finale exacte des boules sur la table. C’est un système déterministe.”
Elle lui fait rouler la dernière balle et il la place dans l’espace du triangle.
“Où vas-tu avec ça ?”
“Honnêtement, c’est une impasse, je préfère largement parler de toi s’il te plait. Comment vas-tu?”
Elle hausse les épaules, “comme ci comme ça. Je ne dort pas très bien.
“Mais tu as l’air fantastique.”
“Oh arrête.”
“Tu as essayé de fermer les yeux et de dormir ?”
“Oh, c’est ça que tu es censé faire ? Ah d’accord, je n’avais pas essayé ça, merci. Connard. Non, c’est juste mon cauchemar récurrent.
“Rappelle-moi encore.”
“J’ai cette vue à vol d’oiseau de mes parents et une version plus jeune de moi traversant des voitures garées sur un bateau. Mon père ouvre la voie, maman est à l’arrière et je suis entre les deux”, dit-elle sérieusement, “… et papa s’arrête alors près d’une voiture aux vitres teintées… Je ne sais pas pourquoi, alors je me tourne vers Maman pour des réponses, mais elle ne me regarde pas, comme si elle était gênée. Et puis, ils attrapent tous les deux ma tête, et la poussent doucement à travers la vitre arrière de cette voiture. Mais ce n’était pas du verre, il ne s’est pas brisé et il n’y avait pas de douleur, c’était comme une bulle.
Un frisson lui parcourt le dos et l’émeut visiblement.
“Ça va?” elle demande.
“Ouais, juste un déjà-vu étrange. Continue.”
“Et donc, je ne me bats pas. Pourquoi je le ferais? J’ai aucune raison de ne pas faire confiance à mes parents. Ils ont mis ma tête dans la voiture et j’y vais volontiers. Je vois très peu à travers le brouillard noir dans la voiture. Je regarde autour de moi pour trouver pourquoi j’ai été forcé d’entrer ici, puis j’entends un grognement, quelque chose d’inhabituel, comme aucun animal que j’aie jamais entendu auparavant, venant de l’obscurité, de l’autre côté de la banquette arrière. Je plisse les yeux pour mieux le voir, et je n’ai pas peur tant que je ne le vois pas scintiller dans l’ombre. Cet humanoïde squelettique avec une peau de pétrole, des dents pointues et de longs doigts en forme de griffes. Il te ressemble un peu en fait.
“Ha ha, Très marrant.”
“Se moquer de toi est une chose que j’adore. Quoi qu’il en soit, j’essaie de m’éloigner, je crie, de plus en plus fort, mais mes parents me plaquent contre la voiture, leurs mains tenant fermement ma tête, alors que cette créature s’approche et se retrouve face à moi.”
Elle place sa main directement devant elle, la paume touchant pratiquement le bout de son nez.
“Il ouvre alors grand sa bouche… Je me réveille généralement en criant et en transpirant avant qu’il ne me mange.”
“Oh wow, il te mange?”
“Non, dégoûtant,” le pousse-t-elle, “je n’ai pas laissé le démon me dévorer la chatte, merci beaucoup. Faut m’offrir le dîner d’abord. Et un dessert, définitivement un dessert.
“Bravo à tes parents pour t’avoir cassé”, levant leurs pintes de cidre pour un autre toast. “Trinquons à ça.
Ils prennent une gorgée de leurs boissons.
“Qu’est-ce que tu disais à propos de tes boules?”
Il se positionne à la queue horizontale, alignant le premier coup.
“OK, ouais, alors récapitulons, la cassure du triangle, ça ressemble à du chaos, système déterministe, bla bla bla. Mais imaginez maintenant que lorsque je frappe le triangle avec la balle blanche, c’est le Big Bang.”
Il prend le coup en brisant le pack avec ce son distinct de plusieurs sphères de résine phénolique qui se heurtent les unes aux autres, ralentissant finalement jusqu’à leur position finale, après avoir utilisé toute l’énergie de la poussée du joueur.
“Mais contrairement à une partie de billard, ces balles ne s’arrêtent jamais et partent dans tous les sens, balles frappant des boules frappant des balles, il y a des boules partout.”
“Quoi, l’existence est comme un grand bain Turc ?”
“Ouais en gros,” rit-il, “Et tout cela suggère que, euh… Qu’est-ce que je disais? Ah oui, en utilisant la loi de cause à effet, quelqu’un, toi, moi, un super ordinateur, si on sait où se trouvaient toutes les balles maintenant, c’est tout à fait possible qu’on puisse prédire où se trouvaient toutes les balles dans le passé et à quoi elles pourraient ressembler dans le futur, et ainsi, savoir que toutes choses sont unifiées.
“Dit-donc, t’aime bien testiculer toi?”
Elle se penche et le pousse hors du chemin avec son corps pour s’aligner pour le prochain coup.
“Ça veut dire quoi testiculer ?”
“T’agitez tes bras pendant que tu te branle philosophiquement.”
“Oh” rit-il, “j’aime ce mot”, dit-il, attrapant métaphoriquement le mot en l’air et faisant semblant de le manger.
“Alors qu’est-ce que tu dis ? Que tu as toujours été censé être dans le nid de coucou ? Que c’était ton destin ?”
“Eh bien, ouais en quelque sorte, je pourrais entrer dans les détails, mais pour l’instant, je compare juste les actions sur cette table de billard à celles de l’esprit humain. Des balles frappant des balles, des neurones activant des neurones, des atomes entrant en collision les uns avec les autres, et donc moi, toi, le soi conscient, ne peuvent pas changer le mouvement de ces balles, parce que nous sommes le résultat de billions et de billions de collisions derriere nous. Donc, la personne que nous sommes aujourd’hui, notre identité, est le résultat de tout ce qui s’est passé dans notre passé, dont nous avions pas le contrôle.
Elle le regarde avec l’expression lointaine d’un garçon qui vient de se faire larguer par sa première petite amie.
“Si tu ne peux pas modifier la trajectoire des balles, si la conscience est objectivement invérifiable, et si la loi physique de cause à effet est ce qui génère réellement nos pensées et nos comportements, alors… nous ne sommes que des zombies avec des délires de sensibilité.”
Il avale le reste de sa pinte.
“Baise-moi,” Elle dit.
“Ouais je sais, quelle folie”, répond-il, n’ayant pas entendu ce qu’elle a demandé. Typique de sa part de ne pas écouter correctement.
Il la regarde et elle secoue la tête, déconcertée.
“Quoi?” demande-t-il sur la défensive.
“Jouer au billard avec toi est un cauchemar.”
Ils rient. Elle s’approche de la table, empoche une deuxième balle et boit son verre.
“Un autre tour?”
“Oui s’il te plaît.”
À ce moment-là, un groupe commence à chanter le refrain de “It wasn’t me” de Shaggy et tout le monde dans le pub se joint avec plaisir.
Et c’est là que le clairon me réveille vraiment…
Merde !